Ici-même

 

À destination de groupes d’une cinquantaine de personnes, ce projet propose un moment de lecture à voix haute dans des lieux culturels tels que des musées, centres d’art, théâtres ou bibliothèques. Entre quinze et vingt histoires courtes (une minute de lecture pour les plus brèves, trois pour les plus longues) imprimées chacune sur un livret posé sur un socle, sont mises à disposition du public. Disséminées dans le bâtiment, ces histoires font référence à l’environnement immédiat de l’endroit où elles sont placées (mur d’une salle d’exposition, vestiaire, rayonnage de livres). Comme lors d’une visite guidée, le groupe passe d’un socle à l’autre; à chaque étape, un volontaire ouvre le livret pour lire l’histoire à voix haute. Partager ces récits en situation permet une véritable rencontre avec « l’esprit du lieu ».

 

Aux plus belles heures de la peinture baroque, Le Caravage aurait soi-disant planté en personne le clou qui allait supporter son tableau « La descente de croix ».
On raconte même que devant le public venu assister à l’événement, Le Caravage se serait écrié : « Voici un clou, un faible clou pour soutenir Notre Seigneur. Mais prenez garde !
Ce faible clou n’est pas capable de porter à lui tout seul une image chargée d’un tel poids. Pour ne pas tomber, ce tableau a besoin d’être retenu par le puissant regard d’une communauté de véritables croyants. » Le rêve inavoué du Caravage était que son œuvre vive avec des regards continuellement posés sur elle.
Ce prétendu épisode a tellement marqué les esprits que, jusqu’il y peu, pour imposer le respect dû aux œuvres de ce musée, un écriteau placé sur ce mur donnait l ’avertissement suivant :
« Cher public, afin d’éviter que les tableaux exposés ne tombent de leur clou, veuillez à vous déplacer avec la plus grande délicatesse. »

 

On raconte qu’à la suite d’un enlèvement toujours inexpliqué, Jean Genet fut enfermé et attaché dans cette pièce durant plus d’une semaine.
Les premiers jours de sa séquestration, en l’absence de tout contact avec ses ravisseurs, il passa son temps à essayer de dénouer le bandeau qui l’empêchait d’identifier l’endroit où il était retenu.
Lorsqu’au bout du troisième jour, il parvint enfin à s’en débarrasser, Genet eut la chance de découvrir – après un temps d’adaptation à l ’obscurité ambiante – que l ’aspect général de sa prison se révélait pratiquement conforme à celle qu’il s’était représentée mentalement durant son aveuglement forcé. La seule différence fut que, les yeux ouverts, il ne sentait plus cette présence imaginaire qu’il avait continuellement supposée à ses côtés les jours précédents.
Au sixième jour, la solitude l’accabla tellement qu’il décida de remettre son bandeau.

 

Même si le phénomène est invisible à l’œil nu, certains tableaux particulièrement rayonnants sont nimbés d’un nuage de minuscules poussières colorées. Les amateurs de peinture, dans leur grande proximité avec ces tableaux, en sont généralement recouverts. Parfois, ils les répandent autour d’eux en faisant de grands gestes animés devant leurs amis pour décrire le chef-d’œuvre qu’ils viennent de voir.